Je rappelle ici brièvement l'histoire du projet de loi DADVSI, je recommande la lecture des articles d'
EUCD.info pour plus de détails, et la suite des évenements.
Il y a quelques mois le ministre de la culture RDDV propose le projet de loi DADVSI (Droit d'Auteur et Droits Voisins dans la Société de l'Information), et le fait passer en procédure d'urgence, dans le style musclé de notre gouvernement de merde. Le sujet fait moderne mais le contenu est assez conservateur: grosse peur du téléchargement libre, du piratage, volonté de contrôle des internautes, et grosse peur des puissantes maisons de disque qui tentent de réfréner un mouvement qui les force plus ou moins à changer de modèle commercial..
Plus précisemment le texte propose: de nouveaux moyens de sanctionner le piratage, une modification du droit d'auteur enlevant notamment au client le droit à la copie privée, une obligation pour les logiciels d'échange de données (appréciez le flou de l'appelation) de se doter de DRM (Digital Rights Management, verrou logiciel sur les données), des sanctions plus lourdes pour le cassage de ces verrous... Les consommateurs sont effrayés, les auteurs et utilisateurs de logiciels libres aussi. Les DRM sont par essence des procédés non publiés, ils seraient inopérants sans ça -- dans le monde du logiciel, on peut tout copier, c'est comme ça. Du coup les fichiers achetés en ligne ne fonctionnent que sur un nombre restreint de balladeurs. Exemple type: la musique achetée sur l'iTune Music Store ne peut être écoutée que sur un iPod. Evidemment, tout le monde casse les DRM pour écouter sa musique comme bon lui semble, la FNAC a même diffusé à une époque des instructions dans cette direction.
Bonne surprise lors de la lecture à l'Assemblée Nationale. Bon nombre de députés se sont emparés du sujet, dans l'opposition mais aussi à l'UMP, et se sont informés des risques des DRM pour la concurrence, l'interopérabilité, ainsi que des risques pour les logiciels libres. Les débats sont électriques, et au final la loi ne ressemble plus vraiment au projet initial, avec notamment une brêche laissant la porte ouverte au projet de licence globale du PS, et un amendement imposant l'interopérabilité des DRM, ce qui a fait très peur à Apple.
A ce stade le ministre est déja fustigé par bon nombre de députés, la procédure étant douteuse en plusieurs points -- je passe les détails. Il promet de lever la procédure d'urgence en cas de désaccord majeur entre les deux chambres. Malheureusement, la lecture au Sénat inverse la tendance, supprime l'exigence d'interopérabilité et met en danger les auteurs de logiciels libres. Surprise, c'est même un amendement PS.
On appelle le ministre a lever l'urgence comme promis, il n'en fait rien. On passe donc à la case CMP (Commission Mixte Parlementaire): douze députés et sénateurs doivent régler le différent. Les députés et sénateurs sont triés sur le volet, les dissidents écartés. Et ils arrivent carrément avec 55 nouveaux amendements sous le bras. Les membres de l'opposition voient rouge, demandent un délai pour étudier ces amendements, et quittent la réunion face au refus du président. Inutile de dire que le texte est désormais
alarmant.
Petite lueur d'espoir, tout n'est pas fini. Les deux chambres doivent encore voter le texte, mais ne peuvent plus le modifier. J'espère vraiment que l'Assemblé va nous montrer encore une fois que la démocratie en France a son mot à dire, que les députés UMP vont voter en leur âme et conscience au lieu de suivre le groupe et le gouvernement.
Je suis complètement atterré par cette histoire, le manque de sérieux du gouvernement, la prévalence des lobbys sur la démocratie. Il faut voir comment le ministre, en bon élève de notre premier ministre, s'obstinait dans ses magouilles malgré l'indignation des députés. En premier lieu, la procédure d'urgence est une aberration, complètement injustifiée pour un sujet comme celui-ci. La raison invoquée était la nécessité de modifier la loi avant la fin 2005 pour s'aligner sur la loi européenne. Mais j'ai lu récemment que la commission européenne envisageait maintenant de remettre en cause la loi autour des DRM, constatant les risques pour la concurrence. Enfin je suis désolé du manque de couverture du sujet. Rien de visible dans les journaux aujourd'hui au sujet des récents évenements.